Démarche artistique

L’exploration des liens entre matière, mémoire et perception est le champ d’exploration d’Adeline Contreras. Dans sa pratique sculpturale, elle convoque le sensible et l’archaïque. Elle façonne des volumes où terre, fibres et textiles dialoguent dans un tissage intime entre gestes ancestraux et déplacement référentiel. Le travail de l’artiste se situe en marge de la représentation du réel, révéler ce qui se situe en déca ou au-delà. L’objet de son travail est de provoquer un mouvement sensible, souvent imperceptible qui opère dans la manière dont une forme, une texture, un geste se re-déploient dans un nouveau cadre de perception.

De la trace esquissée, à la mise en forme, en passant par le glanage et le recyclage, chaque étape est ancrée dans un processus lent, de maturation. Une recherche de forme en corrélation avec un choix de matières, de textures. Le dessin permet d’aller au-delà des habitudes, de s’échapper des seuils connus, explorer là où le regard s’égare et la matière active une mémoire enfouie. Vient le temps de la récolte et le façonnage de matériaux, choisis de par leurs proximités, leurs capacités à évoquer, d’être en résonnance avec le souvenir qui en découle.  L’assemblage final vise à faire corps, à relier chaque élément dans une composition vivante, à détourner le regard de ses repères et convoquer une présence intemporelle. Chaque sculpture est un corps potentiel, un réceptacle, une zone de résonnance où s’opère une projection mentale, corporelle ou émotionnelle du regardeur. Ce qui laisse empreinte dans la mémoire ne devient point de départ : celle d’un tissu effleuré, d’une terre foulée, d’un fil noué dans l’urgence d’un souvenir. Ces œuvres sont des seuils. Elles appellent le regardeur à décentrer son regard pour renouer avec un autre mode de perception : tactile, instinctif, sensoriel. L’œil glisse, hésite, s’abandonne à l’appel de la matière.

Adeline Contreras pense un volume en référence au corps de l’autre, celui du regardeur.   Chaque sculpture habite l’espace autant qu’elles en proposent une relecture. Le visiteur est invité à s’approcher, contourner, frôler, se perdre, un engagement physique et sensoriel. Le textile devient ici un vecteur puissant :  première enveloppe du corps, il évoque des sensations communes - un vêtement à même la peau, une fibre sous le pied.  Autant de sensation, de perception ancrée dans la mémoire qui crée une trame, un tissu culturel. Ces perceptions partagées tissent une mémoire collective. À travers le choix des formes, matières et textures, les sculptures d’Adeline Contreras convoquent les gestes ancestraux, les transmissions silencieuses, les contextes sociaux et les identités enfouies. Le volume devient ainsi une interface sensible entre soi et le monde, entre mémoire intime et culture commune.